Muléum
Qu’est-ce qui peut finir par donner à un joli brin de Norvégienne de 18 ans une folle envie de survivre quand elle vient de passer plus d’un an à essayer de se suicider ? « Muléum », le sixième roman d’Erlend Loe, offre de belles clés existentielles sur les pages roses de Gaïa.
Est-ce parce qu’il est bientôt quadra que l’écrivain norvégien s’est ainsi penché sur la mort, la maladie, la solitude ? Toujours est-il qu’avec le personnage de Julie, Erlend Loe aborde ces thèmes si épais d’une façon tellement drôle et légère que la lecture du journal intime de Julie en deviendrait quasi jubilatoire. On s’offre même de belles tranches de rires. L’écriture jeune, vive, à la première personne (c’est Julie qui nous parle comme une fille de son âge), y est pour beaucoup et la riche inventivité de l’auteur fait le reste.
Tout commence pourtant par ce terrible SMS d’avril 2005 : « On va s’écraser, je t’aime, fais ce que tu veux. Papa. » C’est ainsi que Julie apprend que son père, sa mère et Tom, son frère, se crashent en avion sur l’Afrique. Prise d’une frénésie d’écriture solitaire, entre un journal intime et un roman exutoire, Julie va donc s’essayer au suicide avec un talent que l’on peut qualifier de minable. Après l’échec de la banale corde, elle mettra pourtant toute son énergie à tenter de retourner contre elle les grands maux du siècle avec une féroce imagination : des caricatures de Mahomet, des voyages en avions pour tenter également le crash, la tête dans un poulailler contaminé au H5N1 en Roumanie… Rien n’y fait !
Ce grand voyage initiatique à travers quatre continents, d’une tonalité des plus originales, est le prétexte à des rencontres d’ailleurs bien en phase avec la tradition picaresque de ce je-ne-sais-quoi d’Espagne présente elle-aussi dans ces pages : Le docteur dingo ; Constance ; le patineur olympique coréen et ses amours fertiles ; Krzysztof, le carreleur polonais épris. En visitant ce « Muléum » universel d’Erlend Loe, au fil des rencontres, le guide de ce drôle de musée nous conduit là où la vie s’accroche vaille que vaille, comme un joli bout de plante nordique qui reprendrait racine dans le sable du désert saharien.
« Muléum » , Erlend Loe, traduit du Norvégien, paru en avril 2008 chez Gaïa. 224 pages - format 13×19 - 18 € (ISBN 978-2-84720-115-4).